De l’importance de se souvenir (I)

Samedi, nous serons le 11 Novembre.

A 11h, très précisement, nous nous souviendrons. Tous ?

Pas si sûre…

Evidemment,il y aura des cérémonies officielles, des dépôts de fleurs et des couronnes. La sonnerie aux morts et peut-être l’hymne national. Certains magasins sont fermés et beaucoup d’entre nous auront une pensée pour les victimes de 14-18. Alors ?

Je ne vais pas ici jouer à la vieille raleuse mais tout de même…

à voir le nombre de magasins qui promotionnent leur ouverture demain, le nombre de salons, fêtes et autres festivitées organisées ce jour là, je me demande si c’est si difficile de passer une journée un peu plus calme que les autres. Une journée où on rend hommage, où on apprend, où on se pose cinq minutes histoire de se souvenir et de collecter des informations sur ces événements cruciaux de nos contrées qui ont eu tant d’impact ?

Quand j’étais enfant, on passait la journée à se souvenir de la guerre, à se rappeler des défunts, des combats, des privations. On allait au cimetiére, au monument aux morts. Il y avait des anciens de 14 mais aussi surtout des personnes qui les avaient connues, soutenues, accompagnées, parfois avec des séquelles physiques, mentales et sociales. Aujourd’hui, la mémoire s’étiole et ces mêmes familles ne sont plus là aujourd’hui mais nous en sommes les descendants, les petits-enfants, arrière, et arrière-arrière. C’est à nous de soutenir toutes les chouettes initiatives en tout genre ( dont le projet RTBF 14-18 qui me tient à coeur  ) dans l’actualité du Centenaire et au-delà. Pour ne pas oublier. Pour ne pas que ces hommes qui n’ont jamais pu avoir d’avenir voient leurs histoires effacées.  J’ai un jour rencontré une dame qui, devant nos modestes efforts de collationner des souvenirs de guerre, nous en a remercié en pleurant à chaude larmes. Alors que c’était moi qui avait envie de la remercier pour ce qu’elle apportait à nos recherches ! Son oncle avait été tué dans l’incendie d’une maison lors des « atrocités allemandes » et rappeler à tous les horreurs vécues par sa famille lui était essentiel.

Bien sûr, pour elle, c’était quelque chose de très personnel mais cette démarche est également cruciale d’un point de vue universel. C’est l’humanité qui doit se souvenir en se penchant sur le destin de chaque famille, chaque soldat, chaque anonyme « Known unto God » des cimetiéres militaires…

Je ne dis pas qu’il faut forcément prendre une posture de deuil (Quand j’étais petite,on m’habillait de noir et je ne comprenais pas vraiment en quoi ca allait soulager la mémoire des soldats) .

A chacun bien sûr de le faire comme il le sent.

Mais, a contrario,  je ne sens pas d’aller au concert, au théatre, au cinéma ce jour là. Il y a bien d’autres jours. Et force est de constater que ce jour passe de plus en plus comme un jour de congé « banal » , pas un jour de souvenir. Je trouve cela un peu triste.

Le 11 Novembre, me sert de date-souvenir pour rendre hommage à tous les soldats belges, français, britanniques, américains, canadiens, néo-zélandais, indiens et allemands. Tous ces hommes venus parfois de très loin pour mourir ici. Toutes ces femmes qui ont, elles aussi, participé à la guerre comme infirmiéres, soutiens, travailleuses, mères et épouses. Aux enfants qui ne connaitront pas leurs pères, aux enfants de ceux là qui n’auront pas de grand-parents, et ainsi de suite…

Ce jour là, plus que les autres, j’aurais une pensée pour les soldats de ma famille. Mon arrière grand-père Ernest Frank ( Tout le monde disait Frank) qui pleurait ses chevaux parcequ’il n’avait pas de larmes pour la folie des hommes, mon arrière-grand-père Aimable qui a tellement soufflé dans sa clarinette pour « remonter le moral des troupes » quand il ne devait pas ramasser des garçons, à peine plus agés que l’age de mon fils aujourd’hui, les tripes à l’air en train d’appeler leurs mères. Mon arrière-grand-oncle Henri, blessé en 14…décédé en 18 qui aura vécu la guerre, estropié sur un lit mais qui en aura vécu la fin avant de connaitre la sienne.

C’est le moindre des hommages que nous puissons rendre aux hommes et aux femmes qui ont perdu la vie il y a cent ans ou plus.

Continuer à vivre est important.

Se souvenir en continuant encore plus.