Des ancêtres italiens? Point du tout ! Le voyage d’un aieul au cours duquel celu-ci aurait ramené un souvenir toujours présent dans mon quotidien ? non plus. L’Italie pour moi évoque une légende familiale et la morale qui en découle et dont je me rappelle tous les jours. Quand, petite fille, j’ai commencé à poser des questions à ma grand-mère ; celle-ci m’avait raconté que nous devions certainement avoir du sang italien et que mes ancêtres . Cette histoire me fascinait et je voulais absolument savoir d’où pouvait bien venir ces fameux ancêtres latins. Adolescente, je me rendais aux archives, à l’époque tous les microfilms se trouvaient dans un seul dépôt bruxellois et il n’était point besoin de courir aux quatre coins du pays, je fus chaleureusement acceuillie par des bénévoles qui, pour certains, sont encore présent aujourd’hui ( n’hésitez jamais à venir tester leur qualité d’accueil et d’entraide ! Imbattable !)
Bref, aux archives en cherchant la ligne supposée italienne, je suis vite tombée sur l’acte de naissance de mon aieul, enfant trouvé « vétu d’une chemise, de deux serre-têtes dont un de mousseline et l’autre de toile peinte noire, un cotin de toile peinte rouge, deux langes, deux enveloppes de laines ».*
L’enfant est enregistré sous les noms et prénoms d’ Isaac Tigilin. Tigilin. Un dérivé de Tigellin encore appelé Ophonius Tigellinus ou Sophonius Tigellinus. Une rapide vérification m’apprend qu’il s’agit du nom d’un préfêt de l’empereur romain, Néron (voir entre autres ici). Tacite en parle en ces mots : « Sophonius Tigellinus, né de parents obscurs, était flétri par une enfance prostituée et une vieillesse impudique » (Histoires, I, 72)….
Bien sûr ! Les officiers d’etat-civil puisaient les noms et prénoms à trouver pour les enfants éponymes dans les encyclopédies et dictionnaires,parfois dans le calendrier ou le saint/la sainte du jour.
Plus tard,quand la recherche généalogique sera devenue, plus que ma passion, mon métier, j’en lirais des « Perdu », j’en trouverais des « Delarue » mais j’aurais quand même le coeur qui se serre à la lecture d’une petite « Abandonnée » pour lequel l’officier aurait quand même pu être plus inspiré… Quoique, dans son malheur, mon ancêtre aie tout de même eu de la chance, beaucoup de ces enfants trouvés n’atteignaient pas l’age adulte et un autre nourrisson partageant son année de naissance se trouva lui, affublé du patronyme d’Eros…
D’Italie donc, aucune trace. Pas plus que d’ancêtres romains ou milanais ! Cette légende familiale, avait sans doute été créée de toutes pièces pour améliorer ou simplement cacher l’éventuelle honte ressentie d’être descendant d’un enfant trouvé, sans doute issu d’une relation peu glorieuse. Isaac décèdera à Tournai en 1852 à l’age de 35 ans laissant son épouse Agnès et ses enfants, dont mon ancêtre direct, Oscar.
La morale de l’histoire est simple mais essentielle pour nous généalogistes : ne jamais prendre les informations non-officielles (et parfois les officielles aussi mais c’est un autre débat) pour argent comptant et toujours, toujours, vérifier et double-vérifier ses sources ! Les légendes familiales aussi belles soit-elles doivent être prises avec des pincettes, recontextualisées et analyses sur base des outils archivistiques à disposition! Sans cela, cela reste comme , une légende !

* « Belgique, Hainaut, registres d’état civil, 1600-1913, » index and images, FamilySearch (https://familysearch.org/pal:/MM9.3.1/TH-266-11875-50206-5?cc=2138500&wc=SRTP-2NL:1055869901,1056017301 : accessed 12 June 2015), Tournai > Naissances 1815-1818 > image 704 of 993; België Nationaal Archief, Hainaut (Belgium National Archives, Hainaut).
Il ne faut toutefois pas ignorer ces légendes. J’ai mis plus de 15 ans pour en denouer une… elle est à l’origine de ma passion généalogique..
Tout à fait, il ne faut pas les dénigrer mais les prendre avec toutes les précautions d’usage et les confronter aux sources. Vous m’intriguez. Si l’envie vous prend de nous en dire plus… 😉